Interview de Maffine 瑪啡因
Formé en 2011, Maffine 瑪啡因 s’est fait connaître à travers ses participations dans divers festivals puis une sélection à l’événement The Next Big Thing, avant de sortir un prometteur premier album, The Weaver 紡織人, en avril dernier. Pour faire plus ample connaissance avec le quatuor et discuter un peu avec eux, rendez-vous est pris pour une petite rencontre.
Bonjour et merci d’avoir accepté cette interview. Pouvez-vous nous présenter le groupe et les différents membres pour les personnes qui ne vous connaissent pas ?
Nous sommes Maffine 瑪啡因, un groupe de cinq membres créé en 2011. Nos morceaux sont parfois classés comme rock psychédélique alors que nous n’avons pas pour but de faire un genre spécifique lorsque nous composons. C’est problament parce que nous traitons les questions d’une manière indirecte. Nous ne parlons pas simplement des conclusions, nous préférons exprimer nos pensées dans un long paragraphe pour discuter pleinement de chaque question.
Maffine a participé à plusieurs festivals de musique grands tels que Hohaiyan (2014), Beastie Rock (2014, 2015) et a également remporté quelques prix.
Comment vous-êtes vous rencontré et pourquoi avoir décidé de former un groupe ? Parlez-nous un peu de vos débuts.
À l’été 2011, après les examens d’entrée à l’université, le guitariste (褚士銘) a demandé au bassiste (吳欣哲) et l’ancien batteur (林柔以) de former un groupe ensemble. Avec l’aide de l’ancien batteur, la chanteuse (謝孟庭) et le joueur de synthé ont rejoint le groupe.
Nous n’avions pas de grandes ambitions à ce moment-là, le plaisir et le défi personnel ont toujours été les seuls buts. Ensuite, l’ancien batteur a décidé de quitter le groupe en 2012, et le nouveau batteur (劉立捷) nous a rejoint à l’été de 2012.
Une dernière chose à préciser, les cinq membres du groupe ont été membres d’un club de rock ou de guitares lorsqu’ils étaient au lycée.
Parlez-nous un peu du nom du groupe : Maffine 瑪啡因樂團. Pourquoi ce nom ? Quelle est son origine ?
Le nom a été choisi par hasard. Une nuit nous étions en train de manger au Mos Burger (ndlr : chaîne de restauration rapide japonaise très présente en Asie) en essayant de créer le nom de groupe en choisissant des caractères et des mots sur le menu en les réarrangeant. Au final, le mot Maffine a été créé avec les combinaisons de « morphine » et « caféine ». La morphine traduit le rôle addictif que la musique a pour nous et la caféine représente la métaphore de l’extraction de l’essentiel.
Vous avez participé au programme « YouRock 獨立音樂未來模型 » lors de l’année 2012 / 2013. Qu’est-ce que ce programme ? Que vous a-t-il apporté ?
C’est un programme important qui combine cours et compétition. Ce programme a créé des opportunités et nous a également obligé à nous présenter fréquemment dans des salles de concert et a nous faire réfléchir davantage sur la gestion et la commercialisation d’un groupe.
Je vous ai découvert avec le morceau « Apple », dont le MV a été tourné durant ce programme. Parlez-nous un peu de ce morceau.
Le morceau « Apple » a été composé par notre vocaliste quand elle avait 18 ans. Les paroles ont comme sujet le dilemme, la vérité et le doute. La chanson était tellement déprimante que nous avons même dû nous arrêter d’écrire parce que nous avons tous senti une sorte de mélancolie. Le MV d’Apple était notre premier clip. Il a été tourné entre des immeubles de grande taille durant une nuit froide.
Parlez-nous un peu de votre univers musical et de ce qui le caractérise.
Nous écoutons différents genres de musique. La musique pop chinoise joue bien inévitablement un rôle dans notre vie, comme Jay Chou, Mayday, Cheer Chen 陳綺貞, etc. Le rock classique et la musique funk nous ont aussi influencé quand nous étions en Senior high school (nrlr : équivalent du lycée en France). La jpop comme Shiina Ringo et Tokyo Jihen est aussi très important. En outre, notre joueur de synthé a étudié la musique classique au lycée. Nous écoutons aussi de la dream pop, shoegazing, post-rock, post-punk.
À cinq, comment travaillez-vous sur la composition d’un morceau ? Parlez-nous un peu de votre processus créatif.
Cela diffère d’une chanson à l’autre. Au début, quand nous avons commencé à essayer de composer, la vocaliste ou le guitariste apportaient les paroles et les accords, ne laissant que l’arrangement à faire pour le groupe. Parfois, nous décidons d’organiser une chanson d’une manière très différente à l’opposé d’une démo, mais la progression de la mélodie et des accords sont habituellement gardés.
Quelques autres chansons ont été composées d’une manière différente : avec seulement les paroles d’écrites, nous essayons alors de composer une musique de fond pour aller avec les mots.
De même, comment travaillez-vous sur pour les enregistrements, la production, etc ?
Le guitariste enregistre et mixe les démos chez lui. Nous ne faisons des enregistrements professionnels que lorsque quand il y a une nécessité comme pour la sortie d’un EP ou d’un album, en raison du manque d’argent. Nous devons également planifier et faire tout le travail de marketing par nous-mêmes. Heureusement, nous avons des collaborations stables avec un designer et deux amis nous aident à traiter certaines tâches de marketing.
Quels sont les sujets que vous abordez dans vos chansons? Où puisez-vous votre inspiration? Que voulez-vous de partager votre musique?
Les paroles viennent du guitariste et de la chanteuse. Habituellement, les sujets sont sur des réflexions personnelles pour nous rappeler et nous poser quelques questions à propos de ce que nous tenons pour acquis. Parfois, nous écrivons sur des phénomènes sociaux et des questions récentes. Par exemple, 盛開 est une chanson inspirée par le 318 (ndlr : Mouvement des Tournesols qui a débuté le 18 mars 2014), bien que nous évitons souvent de juger si les choses sont bonnes ou mauvaises dans nous paroles.
J’ai lu quelques-uns des artistes préférés sont Zhang Xuan 張 懸, Shiina Ringo ou le HK acteur / réalisateur Stephen Chow. Parlez-nous un peu de vos inspirations artistiques / influences.
Tokyo Jihen / Shiina Ringo est sans doute l’artiste qui nous influence le plus. En fait, au tout début du groupe, j’avais choisi de trouver un claviériste plutôt qu’un joueur de guitare tout simplement parce que je voulais un jour pouvoir reprendre du Tokyo Jihen. Les artistes comme Shiina Ringo ou Zhang Xuan 張懸 sont assez courageuses pour créer des chansons différentes des morceaux commerciales ordinaires. Nous suivons cet esprit. Cependant, nous ne cherchons pas à imiter leur son ou leur composition, mais nous essayons de trouver notre façon de faire quelque chose de différent et intéressant (bien que parfois un peu bizarre).
Pour votre album « The Weaver 紡織人 », vous êtes passé par une campagne de crowdfunding. Pourquoi ce choix ?
Principalement à cause de l’absence d’argent, inévitablement. Cependant, nous avions décidé de terminer l’album, peu importe que la campagne soit un succès ou non. Nous avons pris cela comme un moyen de pré-commander notre album. C’était aussi un bon moyen pour nous d’expliquer notre plan et notre histoire aux auditeurs.
Pour rester sur le sujet, parlez-nous un peu de cet album.
Cet album est notre première tentative de faire un album complet. Toutes les décisions que nous avons prises au fil du temps font ce que nous sommes, les chansons que nous avons composées sont les raisons qui font que Maffine existe.
Nous avons essayé de mélanger anciens et nouveaux morceaux. En De plus, « 不要 » a été réarrangé dans un style plus électronique. Pour parler de la conception et des illustrations de l’album, tout le monde doit détacher ou couper la couverture dans l’ordre afin d’obtenir le CD. Cela a été conçu pour ressembler aux choix irremplaçables que nous avons faits.
J’aime beaucoup le morceau « 不要 », présent sur cet album ainsi qu’également sur votre EP. Pouvez-nous parler un peu de ce morceau et de sa mise en images.
C’est une chanson lavage de cerveau. Après qu’elle ait été composée, nous l’avons joué presque à chaque concert. Les paroles ont été écrites en premier lieu pour nous rappeler de toujours essayer d’abattre les murs construits par les habitudes.
Le MV a été réalisé par 黃西. Elle a interprété et produit le MV avec toute son équipe. En vérité, seules quelques idées viennent de nous. Le MV est plus comme une nouvelle création. Heureusement, nous étions tous impressionnés par la réinterprétation du MV.
Vous avez choisi pour le MV de « 透明 » (transparent) d’utiliser un homme à tête de cheval. Pourquoi ce choix ?
Selon notre réalisatrice 黃西, la raison pour laquelle elle a choisi un cheval était tout simplement parce que la prononciation de « cheval » (Mǎ 馬) est proche de 瑪.
Vous avez participé à « The Next Bing Thing », organisé par Streevoice et le Legacy Taipei. Comment avez-vous été sélectionné ? Ce genre d’événement est un boost pour un groupe indépendant ?
Haha, la raison pour laquelle nous avons été choisis reste encore un mystère. Ces événements sont un vrai coup de pouce pour nous, cependant, un seul événement est loin d’être magique pour les artistes. C’est plus comme un compliment et une reconnaissance qui peut nous aider dans les moments difficiles.
Il y a de plus en plus d’endroits, à Taipei et Taiwan, où les artistes indépendants peuvent jouer. Que pensez-vous de ça ? Taiwan est-il un bon endroit pour les artistes indépendants ? Comment trouvez-vous les endroits pour jouer ?
Certains anciens lieux ont fermé et quelques nouveaux ont ouverts. Il y a de plus en plus d’endroits et de festivals de musique ces dernières années. Il n’est pas très difficile pour un nouvel artiste indépendant de trouver un endroit pour jouer. Cependant, certains problèmes restent encore à résoudre. Les lieux à Taipei et à Taiwan sont plus comme des salles équipées avec des amplis et des ingénieurs du son plutôt qu’une véritable scène. Les taïwanais se rendent rarement à un site spécifique, laissant donc aux artistes de trouver un public par eux-mêmes, ce qui n’est pas quelque chose de facile pour les nouveaux groupes qui ont besoin de jouer régulièrement pour pratiquer. En outre, le nombre croissant de festivals de musique, en particulier ceux qui sont gratuits, est une épée à double tranchant. Les groupes sont généralement à 80% similaire entre les festivals, conduisant le public à une certaine lassitude sans que cela n’aide les nouveaux artistes indépendants.
Plus généralement, que pensez-vous de la scène musicale indépendante taiwanaise et de son évolution ?
Il y a des nouveaux labels qui tentent de mettre en place des scènes de musique indépendants. C’est une tâche difficile à réaliser parce qu’il n’y a pas beaucoup de gens à Taiwan qui achètent des albums et assistent à des concerts de manière régulière.
Pour terminer, quels sont vos projets et avez-vous un message pour vos auditeurs français ?
Nous travaillons sur de nouveaux morceaux et avons comme plan de les sortir au printemps prochain. Et nous faisons également de notre mieux pour vendre et promouvoir notre album « 紡織人 The Weaver ». Nous espérons que nos chansons peuvent aider les personnes faisant face à des difficultés même si nous ne sommes pas assez mature.
Remerciements à Mingo et à tous les membres du groupe pour le temps qu’ils ont consacré à cette interview.
Si des tournures de phrases ou des points vous semblent bizarres n’hésitez pas à me le signaler.